samedi 23 juillet 2016

Standing

不易乎世
Préserver son intégrité au fil du temps




Il est toujours préférable de comprendre où nous en sommes avant de débuter quoique ce soit. Ce blog traite principalement d’anciennes pratiques originaires de Chine, appelées arts martiaux, et plus spécialement des pratiques internes. Dans nos sociétés modernes et développées, la technologie les a rendues quasiment obsolètes dans leurs domaines de compétence professionnels, comme la guerre, la sécurité (police…) et la protection (des personnes ou des biens), mais, par ailleurs, le consumérisme a fortement accru leur présence en tant que loisir dans le cadre de la self défense, de pratiques physiques ou mentales, et même de recherche spirituelle.
L’évolution fait partie de la vie, et ces anciennes pratiques, qui étaient profondément influencées par le Livre des Mutations, 易經, se retrouveraient dans cette citation du Hagakure, 葉隱, de Tsunetomo Yamamoto :
« Il est dit que ce qu'on appelle "l'esprit d'une époque", est une chose vers laquelle on ne peut pas revenir. Si cet esprit se dissipe progressivement, c'est que le monde approche de sa fin. Pour cette raison, même si l’on souhaite changer le monde d'aujourd'hui et revenir à l'esprit d'il y a cent ans ou plus, cela ne se peut. C'est pourquoi, il faut tirer le meilleur parti de chaque génération. »

Pour tirer le meilleur du temps présent, il faut réaliser ce qui a été perdu, ce qui pourrait être retrouvé, et ce qui peut être élaboré.

Il existait de nombreuses expressions parmi les anciennes générations, comme « l’expérience compte pour, au moins, la moitié de la valeur d’un artiste martial » ou « la lâcheté sur le champ de bataille enlève toute maîtrise », ou, encore plus explicite, « celui qui n’a pas tué ne peut pas être appelé un artiste martial ». L’expérience ne visait pas, évidemment, la compétition. Mais elle ne concernait pas, non plus, le combat de rue, sorte de Graal ultime, preuve de l’efficacité martiale d’un art de nos jours.
L’expérience était celle acquise dans l’exercice de professions militaires, policières, et dans la protection des personnes et des biens, en utilisant les armes de l’époque et ayant des cicatrices pour souvenirs. Ce type d’expérience a disparu depuis bien longtemps, presque depuis le moment où les armes à feu ont été utilisées pour faire la guerre. Et même si l’isolement de la Chine et son refus d’évoluer lui ont évité une rupture brutale comme celle de la Restauration de Meiji au Japon, la Révolte des Boxeurs et les seigneurs de guerre modernes ont finalement chassé les vieux arts martiaux de leurs domaines de prédilection.
C’est pourquoi il ne semble pas exagéré de conclure que cela fait au moins trois ou quatre générations, si ce n’est plus, que la plupart des écoles, ou des styles, n’ont plus été enseignés par des personnes ayant une expérience de terrain réelle, approfondie et régulière. Par exemple, une conséquence évidente de ce manque d’expérience est l’absence de l’apprentissage du combat de groupe dans ce qui reste de ces pratiques. Tout travail dans l’armée, la police ou la protection est un travail d’équipe, ce n’est pas une situation de un contre un, ou contre plusieurs, mais de deux groupes se battant l’un contre l’autre. Et aussi compétent que l’on fût, mis à part pour quelques rares professions comme les assassins, l’essentiel du travail était du travail d’équipe, comme cela le reste aujourd’hui. Il est possible, dans quelques très rares cas, de trouver un ensemble d’exercices apprenant comment couper la tête d’un opposant tout en évitant de faire la même chose à ses partenaires, comment reconnaître rapidement qui frapper ou non, très semblable dans l’esprit à certains exercices actuels de tirs pour commandos. Il est encore plus rare de trouver un enseignant qui comprend que ces exercices étaient conçus dans ce but.

Voilà donc pourquoi il nous faut commencer maintenant, à réaliser que ce que nous pratiquons n’est désormais plus un art martial, mais juste une pratique adaptée aux besoins des civils, tout comme ces anciennes escrimes destinées aux mandarins en Chine, modifiées de façon à ce que le pinceau et l’épée utilisent le même type de mouvements.


* [NdT] En anglais, standing a de nombreux sens, le titre se réfère à plusieurs: être debout, position, tolérer, supporter, endurer, résister à et permanent. Aucune traduction française ne peut regrouper tous ces sens. (ou dites-moi si vous en trouvez une !)


Traduction de Séraphine sur Kwoon.org

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire